L’Étendard de l’Ordre

Pascal, comte Gambirasio d’Asseux Lieutenant Grand Maître et Roi d’Armes

Préambule

Un Ordre chevaleresque détient le privilège de porter un étendard que l’on appelle un vexillum belli : un étendard de guerre, en latin.

Depuis l’époque médiévale, ce droit n’était l’apanage que des souverains, des grands féodaux, des gentilshommes détenteurs de fiefs et des chevaliers bannerets ayant reçu cette qualité pour leur mérite sur le champ de bataille.

Par nature, les Ordres royaux et les Ordres souverains possèdent ce droit.

Ainsi, l’Ancien Ordre Royal et Souverain de l’Etoile et de Notre-Dame du Mont-Carmel, ayant le double privilège d’être à la fois royal par son histoire et sa refondation et souverain par la volonté expresse de son Chef Suprême, S.A.R. Monseigneur le Comte de Paris Duc de France, de jure Henri VII de France, a légitimement ce droit.

Rappelons que l’étendard et l’épée d’un Ordre de Chevalerie incarnent et manifestent sa justice (sa légitimité et son autorité), sa puissance temporelle et, sur le plan spirituel, sa vertu de Force et de Justice précisément, deux des vertus cardinales, la Force étant également l’un des sept dons du Saint-Esprit

Tous deux forment, dans un Ordre chevaleresque, un ensemble indissociable et unitaire : l’expression de sa personne, tant juridique que spirituelle, en laquelle chacun des Chevaliers doit se reconnaître et s’accomplir.

L’étendard et l’épée, tous deux bénis, sont portés avec l’honneur qui leur est dû en tête des processions d’entrée et de sortie des messes de l’Ordre et des chapitres [1].

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L’étendard

Ce terme désigne le signe de ralliement de tous les hommes d’armes appartenant au même ban – d’où le terme de bannière également utilisé pour le désigner – c’est-à-dire à une même justice (ou autorité) supérieure : châtellenie, fief plus important (comté, duché par exemple), Ordre, Royaume.

En vexillologie, il recouvre plusieurs significations :

* L’étendard (le vexillum belli évoqué) qui représente la personne morale d’une seigneurie, d’un fief, d’un Royaume et l’autorité de son Chef. Il est placé au faîte d’un château ou porté lors des combats ainsi que des cérémonies officielles. Il est alors entouré et protégé par une Garde d’Honneur.

C’est ainsi que Jeanne d’Arc portera son étendard lors du sacre de Charles VII, répondant à la question des juges lors de son inique procès à Rouen : « Pourquoi votre étendard fut-il porté en l’église de Reims au sacre, plutôt que ceux des autres capitaines ? – « Il avait été à la peine, c’était bien raison qu’il fût à l’honneur ».

* une subdivision de l’armée médiévale commandée par un chevalier banneret, justement.

Chacun sait également que, depuis Louis VI en 1124, l’étendard du Royaume de France est de gueules (rouge) semée de petites flammes d’or (origine du terme oriflamme : l’or y flamme[2]) en mémoire de saint Denis, l’un des protecteurs de la France et qu’il était porté sur un char appelé le Montjoye, d’où le cri de guerre français : « Montjoye Saint Denis ! ».

L’étendard de l’Ancien Ordre Royal et Souverain de l’Etoile et de Notre-Dame du Mont-Carmel est de forme carrée de 57cm de côté.

Sur un fond de satin argent (blanc), il est orné d’un soleil brodé d’or figuré, selon la règle héraldique, avec un visage humain et rayonnant alternativement de rais ondés et droits, le tout encadré d’un rinceau brodé d’or et d’argent. Franges d’or sur les trois côtés et cravate blanche avec cordelette dorée terminée par une houppe à franges également dorées.

Il convient de le distinguer de la bannière de l’Ordre proprement dite où figurent ses Armes qui, avec celle aux Armes de France, reposent au pied des marches de l’autel durant les messes et cérémonies de l’Ordre : celle de France à droite, celle de l’Ordre à gauche, quand on se place dos à l’autel et face à l’assemblée. C’est respectivement sur ces côtés que viennent se tenir le Chevalier portant l’épée (côté bannière de l’Ordre) et le Chevalier portant l’étendard (côté bannière de France).

[1] La croix d’autel de l’Ordre, évidemment bénie, qui les suit immédiatement lors de ces processions et qui vient se placer sur l’autel, exprime l’enracinement de l’Ordre dans la Foi chrétienne et son engagement dans la défense de celle-ci.

[2] Flammer, ancien verbe qui signifie produire des flammes.

Cet étendard a une histoire : il est celui de la Ière Compagnie des Gardes du Corps du Roi, dite Garde Ecossaise (régiment de cavalerie), Compagnies qui appartenaient à la Maison Militaire du Roi et plus particulièrement à la Maison bleue (couleur de l’uniforme).

L’Ancien Ordre Royal et Souverain de l’Etoile et de Notre-Dame du Mont-Carmel entend ainsi rendre honneur à ces unités d’élite[1], étant évident que, de nos jours, notre Ordre ne détient plus juridiquement les capacités opérationnelles (militaires) qui étaient les siennes autrefois.

C’est donc tout naturellement l’étendard de cette Garde Ecossaise que l’Ordre relève et adopte aujourd’hui, parce que cet étendard récapitule et concentre la nature spécifique et l’esprit de l’ensemble des Compagnies des Gardes du Corps[2].

Il incarne le lien chevaleresque entre l’Ordre et la Maison Militaire du Roi, tel que l’Eternel l’aura désigné, particulièrement la Maison Bleue, plus précisément encore les Gardes du Corps, et encore plus étroitement la Ière Compagnie ou Garde Ecossaise et, en son sein, les Gardes de la manche qui entouraient immédiatement la Personne du Roi (d’où leur nom). Nous y reviendrons.

Le choix de cet étendard constitue un hommage respectueux à nos anciens frères d’armes et témoigne des liens de fidèle amitié qui unit l’Ecosse et la France à travers les siècles ; il exprime la mémoire vivante de ces Gardes au cours de l’Histoire, leur esprit de service et de sacrifice, de vaillance chevaleresque, d’honneur et de fidélité que doivent saisir et incarner les Chevaliers de l’Ancien Ordre Royal et Souverain de l’Etoile et de Notre-Dame du Mont-Carmel.

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Historique

Les historiens situent l’origine de la Garde Ecossaise en l’an 882, quand un contingent de gentilshommes écossais vint en France pour former la Garde du Roi Charles III.

D’ailleurs, il ne faut pas oublier que tous les princes écossais, issus de Maisons bretonnes, comme les Stewart, ou normandes, étaient vassaux du Roi de France.

La première Unité de la Garde Ecossaise formellement constituée pour assurer la garde personnelle du Roi de France est créée par le Roi Charles VII en 1422 afin de sceller l’Auld Alliance[3], donc bien avant la création de la Compagnie des Cent-Suisses qui remonte à 1497. Nombre d’historiens présument même qu’elle fut fondée vers 1410 : par Charles VI, donc.

Par la suite, pour marquer l’estime en laquelle il tenait ces soldats, Charles VII institua la Compagnie des Gens d’Armes Ecossais. En 1453, il choisit parmi eux vingt-quatre Archers pour former sa Garde rapprochée, tandis que cent autres hommes d’armes écossais formaient une Compagnie d’Ordonnance placée à la tête des quinze Compagnies de Gendarmerie du Roi.

Ce Corps d’hommes d’armes, connu sous le nom d’Archers des Gardes du Corps du Roi, sera intégré en 1460 dans la Garde du Roi pour devenir la Première Compagnie des Gardes du Roi dite Garde Ecossaise, placée d’abord sous les ordres de Guillaume Stewart.

Le terme d’archer désignait alors un cavalier légèrement armé, à la différence des Gens d’Armes ou cavaliers cuirassés. Louis XI adjoignit à cette Garde deux Compagnies d’Archers Français.

En 1515 François Ier ajouta une quatrième Compagnie. Puis ce Corps fut connu sous le nom collectif de Gardes du Corps. À cette époque déjà, la première Compagnie ne comptait plus exclusivement des Écossais dans son effectif, mais portait toujours le nom de Compagnie Ecossaise et conservait quelques usages propres aux Ecossais. Ainsi, la réponse, lors de l’appel, était restée le terme « hamir », correspondant phonétiquement à l’anglais ou au moyen écossais : « I am here » (je suis ici).

Les Compagnies sont dirigées par des capitaines différents, souvent de haut rang. La Compagnie Ecossaise est souvent commandée par des membres de la Famille Royale d’Écosse, les Compagnies Françaises par des Maréchaux de France. En 1664, Louis XIV dote les Gardes du Corps d’un Etat-Major commun.

Le service consiste à monter la garde aux portes des appartements, à présenter les armes quand passent les Princes, à garnir la chapelle pendant la messe et à escorter les dîners de la Famille Royale. Avec les Cent-Suisses, les Gardes du Corps veillent sur le Roi à l’intérieur du Palais. Ils en assurent la garde des portes la nuit. Dans un déplacement ou une bataille, ils se tiennent à la droite du Souverain.

Dans la Compagnie Ecossaise vingt-quatre Gardes sont choisis parmi les plus anciens. Ils portent le titre de Gardes de la manche car ils se placent de chaque côté du Roi et sont chargés de l’escorter en permanence.

Les Gardes de la manche se distinguent par le port d’un hoqueton, sorte de casaque blanche brodée d’or (ce qui rappelle leur étendard) portée par-dessus leur uniforme. Ils assurent également la garde du corps du Souverain défunt et sa mise en bière.

Parmi les Gardes de la manche, on distingue encore six Gardes Ecossais chargés des mêmes fonctions de protection rapprochée du Roi lors de cérémonies exceptionnelles telles que sacre ou mariage. Le premier des Gardes de la manche portait le titre honorifique de « premier homme d’armes de France ».

La Garde Ecossaise, comme l’ensemble des Unités de la Maison Militaire du Roi, était également employée comme unité combattante chargée des assauts les plus difficiles. Ainsi nombre de ses membres furent tués en 1465 à la bataille de Montlhéry, en se tenant aux côtés du Roi Louis XI. Ils participèrent notamment à la guerre de succession d’Autriche (1740-1748) et en particulier à la bataille de Fontenoy, le 11 mai 1745. Par ailleurs, des Chevaliers écossais combattirent aux côtés du Roi de France durant la Guerre de Cent Ans et certains furent Compagnons de Jeanne d’Arc.

Les Gardes du Corps occupent le premier rang de la Maison Militaire du Roi, devant les Chevau-légers et les Gendarmes de la Garde.

Par leur place auprès du Roi, l’accès aux Compagnies des Gardes du Corps était un privilège envié. Louis XIV s’attacha à faire des Gardes du Corps une troupe d’élite en y intégrant les meilleurs éléments des régiments de cavalerie de ligne.

Les Gardes du Corps du Roi eurent d’abord pour devise « Erit haec quoque cognita monstris »  que l’on traduit par « On les reconnaîtra aussi à leurs actions d’éclat » ; puis, sous Louis XIV : « Nec pluribus impar » qui n’était autre que celle du Roi lui-même. Devise quelque peu difficile à traduire au mot près mais qui signifie : « A nul autre comparable ; qui n’a pas d’égal », en référence au soleil et, par extension, au Roi qui l’avait pris pour emblème.

L’inscription « Gardes du Corps du Roy » ainsi que le nom de leur Compagnie sont gravées sur la lame de leurs épées et de leurs sabres.

Les Gardes du Corps sont supprimés en 1791. Nombre d’entre eux participent à la contre-Révolution.

Le Corps est rétabli en 1814, mais définitivement supprimé en 1830.

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Symbolique

Sur le plan strictement héraldique, cet étendard or sur argent présente une enquerre, autrement dit une dérogation à la règle première de l’héraldique : « ni émail sur émail ni métal sur métal ».

 

A toutes fins utiles, rappelons qu’une enquerre, un blason à enquérir, signifie, non que les armes sont fausses de manière rédhibitoire, mais justement qu’il faut s’enquérir du motif de cette dérogation.

L’exemple parfait de telles armes à enquerre sont celles du Royaume chrétien de Jérusalem :

« D’argent à la croix alésée et potencée d’or cantonnée de quatre croisettes du même à enquérir ».

Loin d’être fausses, bien évidemment, ces armes sont le signe de la sainteté même : l’argent (blanc) marial, matrice et cœur où nait et demeure l’or spirituel de la gloire divine, source de la résurrection de la chair.

La ville sainte en exprime le lieu « terrestre » par excellence.

En l’espèce, outre cette signification d’ordre spirituel, on peut en comprendre les couleurs sur un plan plus immédiatement opérationnel pourrait-on dire :

En France, le blanc est le signe de l’autorité royale et donc du commandement exercé au nom du Roi. C’est ainsi que tout commandant en chef portait une écharpe blanche pour marque de sa dignité et de ses fonctions.

L’or exprime la majesté royale qui, en Lieutenance du Christ, rayonne sur l’ensemble du Royaume, éclairant et protégeant avec une égale effusion et attention chacun de ses enfants.

C’est d’ailleurs à ce motif, et non par orgueil comme on le dit faussement, que Louis XIV choisit cet astre pour emblème, ce qui lui valut le qualificatif de Roi-Soleil. C’est sous son règne, d’ailleurs que les uniformes et étendard des Armées furent précisés, codifiés et c’est lui directement qui réorganisa les Compagnies des Gardes du Corps.

La devise royale ainsi que l’emblème personnel du Roi accordés aux Gardes du Corps sont l’illustration même de leur lien privilégié à sa Personne.

Enfin, on peut voir dans les rinceaux davantage qu’une simple ornementation mais l’abondance des vertus militaires de cette Unité d’élite et donc, en quelque manière, les lauriers et les fruits de ses victoires, sources de sa renommée.

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[1] La croix d’autel de l’Ordre, évidemment bénie, qui les suit immédiatement lors de ces processions et qui vient se placer sur l’autel, exprime l’enracinement de l’Ordre dans la Foi chrétienne et son engagement dans la défense de celle-ci.

[2] Flammer, ancien verbe qui signifie produire des flammes.

[3] On peut d’ailleurs voir en l’Ordre de l’Etoile refondé en 1351 par le Roi Jean II le Bon l’ancêtre des Gardes du Corps par le choix des Chevaliers d’élite admis en ses rangs et la mission de garde rapprochée du Roi durant les batailles.

[4] Toutes avaient le même soleil entouré du même rinceau sur leur étendard respectif mais avec un fond différent : l’étendard de la IIème Compagnie présentait un fond vert (sinople), celui de la IIIème Compagnie un fond bleu (azur) et celui de la IVème Compagnie un fond or (d’un jaune un peu plus clair que le soleil).

[5] La Vieille Alliance, généralement désignée en français comme en anglais par son nom en scots Auld Alliance (ou Ald Allyance et en gaélique écossais : An Seann-Chaidreachas) est une alliance entre les Royaumes de France et d’Écosse contre l’Angleterre. Certains historiens en fixent l’origine à 1165, lorsque Guillaume le Lion adresse une ambassade à Louis VII le Jeune, mais sa première trace écrite est le traité signé à Paris le 23 octobre 1295 entre les représentants de Jean Baliol et Philippe le Bel. Ratifié le 23 février 1296 par le Parlement écossais, ce traité prévoit que si l’une des parties subissait une attaque de l’Angleterre, l’autre envahirait le territoire de cette dernière. En avril 1326, Robert Bruce renouvelle l’alliance par le traité de Corbeil. Cette Alliance est la plus ancienne entre deux pays d’Europe. Bien que le traité d’Édimbourg de 1560 ait mis fin, de facto, à la plupart de ses dispositions, l’Auld Alliance et ses prolongements a fondé et enraciné l’amitié franco-écossaise de manière puissante et pérenne.

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